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Fascisme à l’indienne
vendredi 26 octobre 2018, par ,
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Source : siawi.org, 22.10.18
Fascisme à l’indienne
Harsh Kapoor
interviewé par Andy Heintz*
Juin 2018
Pensez vous que le Premier Ministre Narendra Modi fait partie de ce mouvement qui fait monter au pouvoir des dirigeants nationalistes partout dans le monde ?
Il existe bien un phénomène international de montée des forces nationalistes et xénophobes dans le monde. Il y a certes des similarités, mais également de considérables différences nationales et locales qui ont contribué à la montée au pouvoir de Modi. L’élément commun majeur est le fait de créer une perception d’anti-élitisme, d’anti-cosmopolitisme, d’anti-intellectualisme et de nationalisme. Les conditions locales nationales jouent ici un rôle crucial, bien qu’il y ait des facteurs internationaux, dont le plus notable est le rôle joué par l’influente diaspora indienne de Droite qui sévit au Royaume Uni et aux USA.
Que peut faire la Gauche pour contrer la séduction nationaliste de personnages comme Modi ? Quelles erreurs a commis la Gauche indienne qui ont permis à Modi et à son parti nationaliste hindouiste de gagner une telle emprise sur la politique indienne ?
Le long processus de la montée de l’extrême-Droite en Inde a ses propres raisons et on ne peut simplement en attribuer la responsabilité aux échecs de la gauche. Le langage de Modi est vraiment rudimentaire, tranchant, impudent, sans éducation ; il veut créer un choc et séduit un public impatient. C’est une nouvelle sorte de leader autoritaire, différente des vieilles élites conservatrices de la Droite hindouiste, mais bien intégrée au mouvement nationaliste de la Droite hindouiste, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), qui existe depuis la moitié des années 20. Le RSS, dont les fondateurs considéraient comme exemplaire la solution finale des Nazis pour l’élimination des juifs et établirent des liens avec Mussolini pour réviser leur modèle organisationnel en suivant l’exemple italien (1), fut interdit trois fois depuis l’indépendance de l’Inde en 1947.
Modi avait été un militant de base du RSS pendant plus de 20 ans lorsqu’il est sorti du rang pour devenir, pendant trois mandats, le Premier Ministre de l’Etat du Gujarat (2), où se déroulèrent les terribles pogroms de 2002 qui furent accueillis par un énorme soutien social. Le RSS croit au majoritarianisme : il définit l’identité indienne comme essentiellement enracinée dans la culture hindoue, et tous les autres groupes religieux doivent faire allégeance à l’identité hindoue dominante. Cette idéologie consiste à ériger des frontières et des clivages entre camps religieux, à promouvoir une histoire glorieuse imaginaire du passé de l’Inde, dominée uniquement par des éléments hindous, et à créer une atmosphère de suspicion vis à vis des minorités, en attisant la peur. C’est la version indienne du fascisme. Sa percée a été lente et à un niveau moléculaire, mais elle s’est répandue dans toute l’Inde (3).
L’idiome de Modi, celui du Bharatiya Janata Party BJP, fait partie du menu réchauffé du RSS, mais la manière dramatique dont il a déployé son idéologie communautariste séparatiste et son nationalisme grossier a eu de grandes répercussions sociales sur la mobilisation politique, certainement depuis 2013-2014. Il est populaire parmi de larges sections de la classe professionnelle de jet-setters, et également parmi ceux qui rejoignent les classes moyennes et ont une revanche à prendre sur les institutions démocratiques trop lentes au gout des impatients – et qui sont déjà en train de s’étioler grâce aux interférences politiques et à la corruption. Il y a un consensus de la société pour soutenir l’approche coercitive autoritaire pour traiter tout chaos et soulèvement social.
Dans la phase de libéralisation qui a suivi les années 90, un changement est survenu dans la composition des classes moyennes et une toute nouvelle section de travailleurs peu ou mal scolarisés avec une familiarité limitée avec l’histoire de la période de Nehru et de la période anti-coloniale. La phase de libéralisation a certainement déplacé le pivot social vers des idées de Droite et des méthodes néolibérales comme étant la voie à suivre. La période de Nehru a subi les attaques du BJP et de Modi. Un empoisonnement de masse des esprits créant un sens commun communautarisé.
Le BJP est un parti qui a eu une stratégie de communication organisée depuis déjà longtemps, et il a utilisé la technologie de façon efficace. Depuis qu’on lui a refusé un visa d’entrée aux USA en 2005, Modi s’est adressé depuis le Gujarat à ses supporters par vidéo satellite. Le BJP a utilisé les messages sur téléphone mobile et les appels personnels comme aucun autre parti, car ils ont une cellule IT spéciale. Le BJP et le régime de Modi ont fabriqué un tout nouveau écosystème technique dans le contexte indien d’une façon qui n’a pas d’équivalent chez les autres partis. Modi a plus de 20 millions de followers sur Twitter, ils utilisent WhatsApp, Facebook, les téléphones mobiles pour disséminer massivement leur propagande. Un nombre important de réseaux des plus grands media (propriété de tycons proches du BJP), qui répandent les fake news et ciblent les libéraux, ont également été utilisés avec grande efficacité. Le BJP a adopté la technologie de l’hologramme dans les rallies pre-électoraux avant les élections générales de 2014, créant ainsi un nouveau registre visuel comme dans la mythologie religieuse à la télévision (4). Au cours des trois dernières années, une application Narendra Modi pour téléphones et tablettes (5) a vu le jour et les gens sont encouragés et poussés à l’utiliser, avec des messages directs du Premier Ministre. Il s’agit d’un tout nouvel écosystème technique auquel les formations politiques indiennes n’ont pas été habituées.
Sur le papier, dans ses déclarations et dans son discours quotidien, la Gauche défie clairement la Droite hindouiste. Mais, bizarrement, elle partage avec la Droite BJP un dédain pour le Parti du Congrès de l’Inde, ex-parti au pouvoir, maintenant dans l’opposition. La Gauche a une longue histoire d’incapacité à mobiliser le public directement pour confronter le communautarisme, concrètement. Elle a eu un interminable débat sur la question de savoir si le communautarisme est un fascisme ou de l’autoritarisme (ou sur le caractère du régime de Modi). C’était là une approche du fascisme très vieillotte, style Komintern (Internationale Communiste), qui se contentait de l’expliquer en insistant sur ses connections aux intérêts du grand capital. Le lent travail en profondeur du RSS sur la société, effectué au travers de sa propagande, de son travail social, et de ses milliers d’écoles, a eu une influence considérable sur le changement d’état d’esprit et l’attrait culturel qu’il a exercé dans la société indienne. Le RSS dispose de plus de 50.000 branches dans des petites villes et cités à travers l’Inde et y tient des meetings quotidiens ou hebdomadaires.
Le RSS d’aujourd’hui est devenu socialement acceptable. Il a une large influence sociale, bien au delà de ses membres : ce qui doit beaucoup au fait que le BJP a été au pouvoir en 1998, 1989-2004 et y est revenu après 2014. Son projet communautariste se répercute à de multiples niveaux de la société via de multiples entités ; il a aussi infiltré différents corps de l’état, la bureaucratie, et particulièrement la police. Il a un vaste programme de travail dans les espaces culturels et d’éducation, et plus récemment avec les media. Le RSS gère des milliers d’écoles et de lieux de formation ; sa branche étudiante est très présente sur les campus universitaires.
Partout où le BJP accède au pouvoir politique, il facilite les activités de tout le réseau associé au RSS, ce qui comprend des ‘modérés’ jusqu’aux extrême-Droites - lesquels sont bien à tort décrits comme des groupes marginaux, alors qu’ils sont en fait connectés à la nomenclature du RSS. Depuis l’arrivée de Modi au pouvoir, les institutions d’importance nationale sont systématiquement tombées aux mains de membres et supporters d’organisations nationalistes hindoues ( l’Ecole Nationale de Cinéma, la Radio d’Etat, les Publications Nationales, les Musées, les Archives, les Universités). Les campagnes communautaristes se sont intensifiées autour de ‘la consommation de bœuf’, contre les ‘mariages d’amour inter-religieux’ et les ‘ghar-wapsi’ (retour au bercail) ou les conversions à l’hindouisme des ‘tribus ou peuples indigènes’, - dans un contexte d’hystérie de masse anti-Pakistan, anti-immigrants, anti-Rohingya et anti-Bangladesh. Les citoyens musulmans et chrétiens sont estampillés étrangers, et leur loyauté nationale est mise en doute.
Une large partie de la jeunesse de l’Inde n’a pas de travail et vit dans la précarité économique ; elle est systématiquement ciblée, cultivée et mobilisée par les machines à messages de la Droite. La colère sociale ne manque pas ; considérant leurs capacité d’attention limitée, des messages d’une ligne sont utilisés pour la propagande, qui encouragent les gens à rejoindre la meute contre les boucs émissaires. La désignation de la cible et la direction à suivre sont habituellement l’œuvre des militants de Droite qui adorent le militarisme, la masculinité, l’enrégimentation ; ce sont eux qui désignent à la vindicte publique certains groupes sociaux, en les rendant responsables de la crise sociale et économique et du manque de travail. On met l’accent sur le nationalisme, le drapeau national, les frontières, la défense contre les anti-nationaux, et l’on fait aussi douter des faits basés sur la réalité, en répandant de fausses nouvelles (fake news). Le RSS a souvent utilisé la religion hindoue comme marqueur social dans son projet de mobilisation sociale. Il a systématiquement infiltré, s’est approprié et a redessiné les événements et les festivals religieux. D’obscures festivals ont maintenant été politisés, avec drapeau national, chants nationalistes et slogans anti-Pakistan ajoutés aux slogans religieux. Ce qui était autrefois des processions de croyants et de dévots a été converti en événements spectaculairement bruyants, auxquels participent les jeunes chômeurs, gros bras qui promeuvent une culture hindoue intolérante. Le BJP et le RSS sont impliqués jusqu’au cou dans cette mobilisation de terrain. Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le BJP est passé à la vitesse supérieure pour enrôler de nouveaux membres ; il en compte actuellement plus d’un million, plus qu’aucun autre parti politique en Inde.
La Gauche (au sens large, c’est à dire : le parti communiste parlementaire et les socialistes, l’extrême-Gauche et la Gauche inorganisée) ne gère pas d’écoles, de cantines, ne fait pas du yoga dans les parcs, ne fait pas de travail social auprès des victimes de désastres naturels, ne crée pas des festivals populaires. Elle n’a pas de programme alternatif d’éducation pour les travailleurs, les pauvres ou la classe moyenne qui sont tous aujourd’hui divisés selon des clivages identitaires chauvinistes. Sa caractérisation et sa théorisation du communautarisme et des politiques de laïcité restent prisonnière du syndrome des minorités : cela est vrai de la plupart des cercles libéraux de gauche qui se limitent en général à être dans l’opposition. Ils ont même hésité à promouvoir un code de la famille laïque et universel pour tous les citoyens, qui ne fasse aucune concession aux politiques identitaires.
Est ce que les politiques identitaires ont influencé les progressistes en Inde ?
Il est important de mentionner que la Gauche indienne a du mal à se débarrasser d’une ancienne souillure. Alors que le mouvement politique mené par Jinnah - qui exigeait un pays séparé pour les musulmans - avait pris de l’ampleur en Inde dans les années 40, les communistes passèrent une résolution, appelée résolution Adhikari, qui, dans la droite ligne de leur position staliniste sur la question nationale, approuvait la volonté de Partition formulée par les musulmans ; ceux ci furent ainsi assimilés à une nationalité. La Gauche regretta plus tard cette erreur, mais il n’y a eu aucune véritable discussion publique à ce sujet et cela reste un sujet tabou.
La gauche non-communiste a une longue tradition d’alliance avec le RSS et ses organisations politiques de couverture. En 1967, dans plusieurs états, ils ont formé un parti de gouvernement contre le Congrès ; et de nouveau en 1977. Le front de gauche communiste a négocié un réajustement des sièges avec le BJP en 1989. En 1991, l’extrême-gauche, en son bastion du Bihar, refusa d’agir contre une caravane de mobilisation communautariste du BJP cela aboutit plus tard à la démolition, par des militants de l’Hindutva, de la Mosquée Babri en décembre 1992.
D’importants dirigeants de la Gauche, en 2006, ont fait plateforme commune avec des leaders religieux musulmans conservateurs, lors de la visite en Inde du Président des Etats Unis Bush. A quelles fins ? Pourquoi se rapprocher de la Droite-musulmane pour combattre l’impérialisme et la guerre ? Certains, à Gauche, se sont par exemple alliés avec les islamistes par solidarité, transformant ainsi la question palestinienne, par ailleurs parfaitement laïque, en une affaire musulmane. Bien des groupes de Dalits font cause commune avec des groupes d’étudiants islamistes. Des progressistes se sont engagés dans des alliances occasionnelles avec différents intérêts sectionnels, organisés selon des lignes identitaires, faisant alliance avec des Dalits ou des peuples indigènes, sans avoir d’univers commun. C’est là un opportunisme politique à courte vue, sans que soit effectué de travail éducatif parmi ses propres membres, de façon à faire face aux castes et aux politiques identitaires. En fait, pour certains groupes de militants d’extrême-Gauche de la nouvelle génération, l’universalisme est une mauvaise idée ; les circuits politico-religieux des militants islamistes, des indigénistes, sont des alliés respectables ; ils considèrent l’Inde comme un conglomérat d’identités conflictuelles issues de la volonté du peuple/des masses, lesquelles sont par essence pures, incorruptibles et ne peuvent avoir tort.
De plus, la Gauche et les démocrates sont fort en retard dans l’utilisation efficace de la technologie, pour affronter la Droite. L’environnement digital est maintenant une extension de la sphère publique, il est donc crucial d’occuper cet espace. Les partis de Gauche ont été incapables de s’y atteler et de persuader un public attiré par une culture de Droite ; il en est ainsi parce que les valeurs d’obéissance et de conformité, de misogynie et de xénophobie existaient déjà et étaient socialement acceptables. C’est le fascisme tout à fait quotidien, la famille et la société indienne hiérarchiques et autoritaires, qui ont servi de fondation à la Droite et aux forces extrémistes.
La Gauche parlementaire qui a gouverné pendant trois décennies certaines parties de l’Inde n’a guère apporté de changements aux moeurs de la société, aux croyances obscurantistes ou aux discriminations de caste ou religieuses, largement pratiquées au sein des masses populaires. Elle s’est battue pour le droit à la terre, les salaires, mais n’a pas touché aux perspectives sociales en lien avec la sphère privée. La Gauche et les laïques auraient du monter au créneau pour créer une nouvelle culture laïque (par exemple en soutenant activement les mariages inter-religieux, inter-castes, inter-ethniques ; en faisant la promotion de l’éducation publique laïque bien au delà de l’école, en lien avec la vie de tous les jours, les affaires quotidiennes, en remettant en question l’orthodoxie et les préjugés sociaux). Mais la Gauche a mis tous ses œufs dans le même panier, dans ce que l’Etat devrait faire, et non pas dans ce que les forces démocratiques pourraient faire pour créer une contre-culture progressiste dans la société (contre une culture fermée de police morale s’exerçant sur la sexualité, les libertés individuelles et l’ouverture) pour inculquer une laïcité pratiquée au quotidien et non pas des slogans.
Le gouvernement Modi tombera peut-être un de ces jours, mais le communautarisme ou le fascisme indien est là pour durer, s’il n’est pas combattu chaque jour dans la société.
Est ce que la police a fait quoi que ce soit pour mettre fin à la violente campagne contre les gens soupçonnés de commercialiser ou de consommer du bœuf ? Est ce que la police a bénéficié d’impunité pour certains des crimes dont elle est accusée ?
La police fédérale et l’administration de la police au niveau de l’état prend ses ordres des gouvernements du moment. La corruption et l’interférence politique dans les affaires de police ont sévi depuis des années, mais actuellement, avec le BJP au pouvoir au niveau fédéral ainsi que dans un grand nombre d’Etats, la police a reçu l’ordre de pourchasser les vendeurs et les transporteurs de bétail. Il existe parallèlement des milices de volontaires de la Droite hindouiste qui ont bénéficié de la coopération de la police dans leurs activités. La police n’a pas agi d’elle même. Elle a agi sur plainte, dont beaucoup sont fabriquées. En bien des cas, des foules ont attaqué et même lynchés des gens soupçonnés de consommer de la viande de bœuf ; des plaintes ont été déposées contre les victimes, dont beaucoup sont en prison ou subissent un harcèlement constant. Cette situation peut être comparée à celle des cas de blasphème au Pakistan.
Pouvez vous nous parler des conséquences négatives qu’ont eu les violentes campagnes contre quiconque est soupçonné de commercialiser ou consommer du bœuf sur la façon dont beaucoup de Dalits gagnent leur vie ?
(Puisque vous mentionnez spécifiquement les Dalits, ceux ci ne sont pas uniquement des hindous, ce sont aussi des chrétiens et des musulmans ; par ailleurs, il faut savoir que le BJP et bien des organisations de la Droite hindouiste se sont débrouillés au cours des décennies passées pour recruter un nombre important de Dalits, de gens des castes inférieures et de tribus ; leur nombre est considérable et ce sont eux qui ont servi de troupes de choc lors des pogroms au Gujarat en 2002.)
Un lot de nouvelles mesures de protection de la vache a été introduites après que le BJP ait accédé au pouvoir en 2014 ; les autorisations d’exercer ont été retirées à des milliers de petits commerces de boucherie et aux abattoirs ; cela a affecté le marché des bovins et l’industrie des peaux, qui emploient des pauvres et des Dalits.
Et en même temps, des milices privées de protection de la vache en lien avec le RSS ont pu opérer en toute impunité dans les rues. Les Dalits et les travailleurs de basses castes (hindous, musulmans ou autres), c’était eux les bouchers, les travailleurs de la viande, ceux qui écorchaient les animaux morts et vendaient les peaux et les cuirs. Il y a eu d’innombrables affaires publiques, où des foules d’hommes inspirés par la Droite hindouiste attaquaient des travailleurs Dalits.
En 2015, à Dadri, non loin de la capitale fédérale Delhi, une foule de voisins a attaqué un foyer musulman et lynché un homme pour avoir supposément tué un veau. En 2016, il y a eu une attaque contre quatre travailleurs Dalits dans une petite ville du Gujarat, Una, et un homme musulman y a été lynché par la foule, qui été soupçonné d’abattage de vache dans le district Satna au Madhya Pradesh. Il y a eu des centaines de cas de ce genre.
Il est important de noter ici la large participation des villageois et des habitants des villes qui se joignent aux foules entrainées par des militants de Droite. Des vidéos prises avec des téléphones portables ont été enregistrées et massivement circulées sur les réseaux sociaux. Quant aux ramifications, oui, ceci a de considérables implications économiques pour les travailleurs du secteur informel rural et urbain, les vendeurs, les consommateurs, et même les transporteurs. Il n’existe aucune étude sérieuse à ce sujet mais cela a abouti à un décrochage économique, au bouleversement des vies des travailleurs, et à la perte d’emplois obligeant les gens à trouver des occupations alternatives. Les estimations statistiques sont limitées, et il faudra attendre un certain temps avant que des études sérieuses évaluent l’étendue de l’impact – lequel n’est pas juste limité aux Dalits mais atteint de larges sections de l’Inde carnivore.
Quelles sont les sources principales à la popularité de Modi ? Pensez vous que ce soient ses promesses de populisme économique ? Est ce que sa popularité a décru depuis son élection ? Pourquoi, ou sinon, pourquoi pas ?
La politique économique de Modi et ses promesses ne sont pas allées très loin ( le chômage a augmenté de 3.41 % en 2014 à 6.22 % en 2018, mais en dépit de ça, les faits ne semblent pas compter. Tout le show de sa campagne électorale a été centré sur la corruption, mais il n’a pas poursuivi les gros bonnets, parmi lesquels on trouve ses propres mécènes. Tour à trac, il a donné l’ordre d’une démonétisation qui a grandement affecté des millions de gens et a mis à mal le large secteur informel de l’économie. Il a utilisé une propagande intelligente en disant que les millions de gens qui faisaient la queue devant les banques pour retirer de l’argent faisaient face aux mêmes difficultés que les soldats postés aux frontières de la nation pour assurer sa sécurité. Ce sacrifice du peuple allait nettoyer le pays. Comme l’acteur d’un show, il a lancé une ’journée du yoga’ pendant laquelle tous les officiels étaient supposés se trouver sur un tapis de yoga. Grand spectacle, comme si cela allait d’un seul coup garantir la santé du pays. Modi a une popularité considérable, néanmoins les sondages récents indiquent qu’elle décline. Les 4 ans du gouvernement Modi ont réellement changé l’atmosphère sociale : des bandes de milice d’extrême-Droite se baladent librement et en toute impunité (ils ont des connections actives avec les membre du RSS et du BJP) et la peur croit parmi les minorités.
Les rares militants d’extrême-Droite, politiciens ou officiels/gradés officiers de police, qui ont été poursuivis pour assassinats extra judiciaires et complicité lors des pogroms au Gujarat en 2002, ont pour la plupart été acquittés après l’arrivée de Modi au pouvoir. Un cas bien connu est celui de Swami Assemanand, un moine extrémiste hindou d’extrême-Droite qui travaillait dans l’Etat de Gujarat et entretenait des liens étroits avec le BJP, y compris avec Modi lui même ; il fut accusé d’implication dans de multiples attaques à la bombe au cours desquelles plus d’une centaine de personnes ont péri, mais il fut acquitté et sortit libre, malgré ses aveux. (10)
La violence sociale a augmenté. Selon le rapport du Huffington Post du 14 avril 2017, l’Inde était au 4e rang mondial, après la Syrie, le Nigeria et l’Irak pour les plus grandes violences sociales commises au nom de la religion. Modi jouit néanmoins toujours du statut de star et se débrouille pour utiliser les media. Le grand leader à large poitrine auquel le monde s’intéresse se vend chaque jour. Son anti-intellectualisme, son chauvinisme, ses histoires de nationalisme puissant sont toxiques lorsqu’ils se mélangent avec la religion et l’identité.
On ne peut fournir une explication simple à cette grande popularité, mais il a surement fait ses preuves en matière de nouveau culte : c’est un personnage de dirigeant avec une grande visibilité qui va au delà de son parti politique, avec ses photos sur toutes les routes, etc… Il a visité 50 pays au cours de son mandat de 4 ans. Ses discours à l’étranger, et spécialement ceux s’adressant à la diaspora, sont diffusés avec grand succès en Inde, auprès d’un public qui ne voyage pas, accompagnés d’ images glamour des pays visités. Son éloquence impétueuse semble se vendre bien ; il utilise maintenant officiellement le réseau de la radio publique nationale pour délivrer un discours mensuel, ce que n’a fait aucun Premier Ministre indien avant lui. Une utilisation massive des media sociaux continue à entretenir et à parachever le personnage de Modi. Une partie de la société est ivre de nationalisme (comme intoxiquée) et cela leur prendra du temps pour ’redescendre’. En tout cas, l’autoritarisme et l’enrégimentation sont populaires dans la société indienne, le Mein Kampf d’Hitler demeure l’un des livres les plus vendus (11).
Pouvez vous nous parler des attaques de Modi contre la société civile, les groupes qui défendent l’environnement et les droits humains, ainsi que les journalistes, les universitaires, les militants et autres critiques du gouvernement ?
On sent vraiment que l’espace démocratique se réduit. Oui il y a bien eu une longue attaque, à deux niveaux : à l’un, cela a impliqué directement l’appareil d’État, et à l’autre, cela a déchainé, au travers de l’appareil du parti politique, une propagande qui utilise les réseaux des télévisions privées de Droite, les media sociaux, etc.. pour créer des fake news qui incitent les groupes et les milices de Droite à pourchasser les organisations de la société civile et les individus. Le gouvernement de Modi a clairement déstabilisé le consensus gouvernemental ; d’ex-fonctionnaires de l’Etat ont écrit, de façon répétée, des lettres ouvertes au gouvernement, lui demandant de respecter le cadre de la Constitution indienne et de ne pas faire un mauvais usage de l’appareil d’état (12). Cela ressemble un peu à la chasse aux sorcières aux Etats Unis, sous le maccarthysme. La différence c’est que ça ne se limite pas à priver les gens de leur emploi ou à les trainer dans la boue : certains ont été tués par des ‘assaillants inconnus’. Ont été ciblés des organisations de la société civile qui travaillaient pour la justice sociale, des groupes d’avocats, et des groupes pour l’environnement dirigés par des militants d’une intégrité sans faille.
Parmi eux, beaucoup se sont vu retirer leur autorisation de recevoir des fonds et ont du faire face en justice à des accusations fabriquées de toutes pièces, de façon à les démobiliser et à épuiser leur résistance. En 2016, par exemple, le gouvernement indien dirigé par Modi a décrété un blackout de 24h de NDTV, une télé d’informations qui avait parfois formulé des critiques à l’égard de l’administration Modi. Des journalistes ont été ciblés et menacés, des éditeurs ont du donner leur démission (13). Un présentateur très populaire d’une chaine de télé en Hindi a reçu des menaces de mort et des coups de téléphone, et d’autres journalistes sont menacés quasi au quotidien par une armée de trolls en ligne sur les media sociaux (14). La police sous contrôle de l’administration Modi a, en gros, abandonné l’idée d’agir contre ces usagers de Facebook et Twitter, car ils ont pour followers des membres importants du gouvernement, y compris le Premier Ministre. Un certain nombre d’universitaires progressistes, d’intellectuels, d’avocats, de militants des droits humains - qui travaillent avec ou bien écrivent sur les campagnes menées par les opprimés - ont été arrêtés et accusés de soutenir la révolte maoïste. Des citoyens importants ont pris fait et cause dans ces affaires auprès des tribunaux, en demandant leur libération et que justice soit rendue (15).
Il y a eu des assassinats d’humanistes connus : M.M.Kalburgi, Narendra Dhabolkar et Govind Pansare. Les enquêtes à leur sujet n’ont pas mené bien loin. Gauri Lankesh, une journaliste basée à Bangalore, la dernière personnalité connue à avoir été tuée, a elle aussi eu droit à une enquête policière interminable ; en fin de compte un certain nombre de militants de Droite de l’Hindutva ont été détenus, mais il est probable qu’ils bénéficieront d’un énorme soutien légal et financier de la part de la Droite hindouiste (16). Des bandes appartenant aux milices d’extrême-Droite attaquent des cinémas et certains réalisateurs et acteurs ; des écrivains, des enseignants et des dirigeants étudiants ont subi des agressions ; des chercheurs étrangers et des musiciens en visite en Inde ont été attaqués et ont reçu des menaces. Il y a des centaines de ces cas d’intimidation de militants pour le droit à l’information, de lanceurs d’alerte contre la corruption et de journalistes.
Pourquoi pensez vous que le nombre de gens punis pour des crimes liés au genre a été si bas pendant le gouvernement de Modi ?
En Inde, le taux de condamnations pour les crimes liés au genre est très très bas et cela fait longtemps qu’il en est ainsi. La violence contre les femmes et les enfants est un sport national qui est en pleine croissante et continuera à croitre encore longtemps.
Le discours standard des personnages de Droite et des traditionalistes est destiné à contraindre et limiter les libertés des femmes : elles ne devraient pas sortir de chez elles, elles ne devraient pas porter ceci, etc…
Ensuite, ils réclament comme seule réponse possible la peine de mort pour les violeurs, ou l’installation de caméras de sécurité. Les progressistes peuvent sembler différents, mais ils mettent toute leur énergie dans le fait de faire des déclarations, et se focalisent sur le fait de faire passer des lois répressives et ‘basta’ .
L’Inde a un sex ratio qui s’effondre depuis 1911. Selon les données des Nations Unies, il y a en Inde 37 millions de plus de mâles que de femmes (17). Le nombre de filles nées en Inde continue à plonger. L’Inde doit faire quelque chose.
C’est déjà une société fort violente. Il n’y a pratiquement pas d’éducation sexuelle des adolescents ni à l’école ni en dehors. Alors, pour des millions de jeunes, l’agression sexuelle est un sport d’aventure. La Droite a une attitude très répressive vis à vis de la sexualité. Mais les tabous existent aussi dans les milieux de Gauche : personne n’a empêché les progressistes, les syndicalistes, les mouvements sociaux de promouvoir largement une culture saine vis à vis de la sexualité ou de promouvoir l’égalité et la liberté sexuelle, tout en combattant une misogynie que l’on peut constater partout.
Quel genre de rejet de la rhétorique sectaire de Modi pouvez vous voir, impulsé par des groupes et des gens déterminés à préserver la tradition de gouvernement laïc de l’Inde ?
Le parti de Modi, le BJP, a une emprise politique dominante sur l’Inde Il a le contrôle de la majorité sur les deux chambres du parlement indien et a des gouvernements de majorité dans 13 assemblées provinciales d’Etats. Il participe à des gouvernements de coalition dans plusieurs autres Etats. Son empreinte politique est grande, car il est au pouvoir dans des Etats dans toute l’Inde.
Bien des groupes ont organisé des événements publics et des tribunaux citoyens pour informer le public de ces violentes campagnes sectaires. Un des événements qui a eu le plus d’impact fut le renvoi des prix décernés par l’Etat à des écrivains connus : cela a conduit un grand nombre de lecteurs à prendre le temps de réfléchir. Les media internationaux ont fait un remarquable travail pour donner un maximum de visibilité aux voix protestataires en Inde. Mais le gouvernement de Modi n’a pratiquement pas cillé et a réagi en traitant d’anti-nationaux les écrivains et les intellectuels qui avaient élevé la voix, pour tenter de les discréditer.
Il y a une grande variété de groupes qui combattent pour la justice et les libertés. Il y a eu depuis des années les luttes d’étudiants et d’enseignants sur certains campus universitaires ; celles des syndicats ouvriers nationaux, celles des petites organisations urbaines non-gouvernementales, des protestations des travailleurs dans les media ; mais également de nouvelles campagnes citoyennes contre les lynchages par la foule et le rétrécissement de l’espace laïc. Ces groupes ont la capacité de mobiliser une partie de la classe moyenne et de la majorité silencieuse autour de problèmes spécifiques. Mais le fait demeure que Modi et le RSS disposent d’une formidable machinerie pour atteindre les gens. Les partis politiques d’opposition sont divisés et ont été largement absents ou réduits au silence, et ils ne mobilisent pas activement sur le terrain, excepté lorsqu’il y a d’élections.
Quelle sorte de programmes et de politiques économiques pensez vous qu’il faudrait mettre en œuvre pour aider ceux qui ne bénéficient pas actuellement de l’économie indienne ?
Un programme économique démocratique nouveau et imaginatif, qui offre des solutions créatives pour protéger les droits des travailleurs et pour promouvoir un environnement plus sain et plus sûr. Le point le plus important devrait être la promotion d’une transition vers une nouvelle économie qui soit écologique et tournée vers les travailleurs, et non pas dépendant principalement des marchés financiers. Cela doit inclure des mesures de protection sanitaire et sociale, promouvoir les coopératives, et instiller une forte dose de fonds publics dans l ‘éducation publique et civique à tous les niveaux, ainsi que l’édification d’institutions de formation professionnelle destinées à la reconversion des travailleurs. Il faut démilitariser et financer des travaux publics pour adapter l’infrastructure sociale et publique.
L’Inde a besoin d’un nouveau modèle, basé sur une économie non-dépendante des énergies fossiles qui promeuve un usage retreint de l’eau et le recyclage des déchets à une vaste échelle. Ce modèle devrait gérer des fermes solaires coopératives, des coopératives de consommateurs, des coopératives de logements alternatifs et des services numériques coopératifs. Il devrait repenser le syndicalisme vieillot attaché à des modèles productivistes de croissance sans fin.
Ce devrait être un système limité dans le temps, avec des mesures anti-discriminatoires et des garanties minimum pour ceux qui sont le plus en retard sur le plan économique. Il ne devrait pas être basé sur l’appartenance ethnique, la caste ou la religion, mais sur des indicateurs de classe, et…
Est ce que Modi a soutenu le système de caste en Inde ? Est ce que le concept du système de caste est encore très populaire dans le pays ?
Aucun parti politique ne soutient ouvertement le système de caste. Il y a une élite appartenant à la caste supérieure de l’Inde du Nord qui a de grands intérêts avec le BJP, mais elle a également une grande emprise sur les autres partis politiques en Inde. Modi s’est fort astucieusement présenté comme étant de basse caste. Il a, dans sa majorité parlementaire ou au gouvernement, tout un tas de représentants issus de basses castes. Le Président nouvellement élu de l’Inde est un Dalit et il a été candidat d’un gouvernement conduit par le BJP. Les données fournies pas le Bureau National d’Enregistrement des Crimes montre que le nombre de crimes commis contre les Dalits a augmenté. En 2016, on estime leur nombre à 214. Néanmoins, le gouvernement Modi a tenté d’affaiblir les Scheduled Castes et Scheduled Tribes Act (18) .
Avec ou sans Modi, les castes et toutes sortes de politiques identitaires fleurissent en Inde. Les préjugés de caste font partie de l’infrastructure essentielle et du maquillage de la société. La composition de caste de l’électorat est ce qui motive les diverses stratégies électorales de tous les partis. Alors, ce n’est pas simplement une question de noir et blanc. C’est bien plus complexe. Modi ou le BJP peuvent disparaître, mais les castes sont là pour rester. C’est une bataille au long cours pour confronter les castes et toutes les politiques identitaires, par un mouvement laïque commun pour les droits civiques, qui tienne la route et ne s’essouffle pas. Il est difficile de pronostiquer si une telle formation s’enracinera rapidement.
Traduit de l’anglais par marieme helie lucas
Harsh Kapoor est le fondateur et l’éditeur de South Asia Citizens Web - sacw.net
* Andy Heintz est un journaliste freelance. Une version abrégée de cette interview sera publiée prochainement, le 11 April 2019, en anglais dans le livre d’Andy Heintz :’Dissidents of the International Left’. 240 pages, par l’éditeur New Internationalist
ISBN-10 : 1780264992
ISBN-13 : 978-1780264998
Notes
[1] Marzia Casolari. Hindutva’s Foreign Tie-up in the 1930s http://www.sacw.net/DC/CommunalismCollection/ArticlesArchive/casolari.pdf
[2] V. Venkatesan. “A pracharak as Chief Minister”. Frontline, 13 October 2001
[3] See, Govind Sahai. A Critical Analysis of Rashtriya Swayamsevak Sangh. Naya Hindustan Press, 1956. ; Des Raj Goyal. Rashtriya Swayamsevak Sangh, Delhi : Radha Krishna Prakashan, 1979 ; Christophe Jaffrelot The Hindu Nationalist Movement and Indian Politics, C. Hurst & Co. Publishers, 1996 ; Bipan Chandra. Communalism in Modern India, Har-Anand, 2008
[4] Dean Nelson. ’Magic’ Modi uses hologram to address dozens of rallies at once, The Telegraph, 2 May 2014 https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/india/10803961/Magic-Modi-uses-hologram-to-address-dozens-of-rallies-at-once.html
[5] NaMo App - Narendra Modi https://www.narendramodi.in/downloadapp
[6] G. Adhikari (ed.) Pakistan and National Unity. Peoples Publishing House, 1942 http://www.sacw.net/article5487.html
[7] Muslims stage massive protest in Mumbai, The Hindu, March 3, 2006 https://www.thehindu.com/todays-paper/tp-national/muslims-stage-massive-protest-in-mumbai/article3159156.ece
[8] Cow Vigilantism : Crime, Community and Livelihood - January 2016 to March 2018 = A PUDR Report http://pudr.org/content/cow-vigilantism-crime-community-and-livelihood-january-2016-march-2018
[9] Suchetana Ray and Dhrubo Jyoti. Leather to meat, how BJP’s beef crackdown is devastating Dalits and Muslims, Hindustan Times, June 25, 2017 https://www.hindustantimes.com/india-news/hanging-out-to-dry-indian-leather-and-meat-industry-in-deep-shock/story-bOsVY4INdAAkg3Ag92mTAM.html
[10] Leena Gita Reghunath. The Believer : Swami Aseemanand’s radical service to the Sangh, The Caravan, 1 February 2014 http://www.caravanmagazine.in/reportage/believer
[11] See, Zubair Ahmed. Hitler memorabilia ’attracts young Indians’, BBC, 15 June 2010 http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/8660064.stm ; Monty Munford. Indian business students snap up copies of Mein Kampf, The Telegraph, 20 April 2009 https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/india/5182107/Indian-business-students-snap-up-copies-of-Mein-Kampf.html ; Shrenik Rao. Hitler’s Hindus : The Rise and Rise of India’s Nazi-loving Nationalists, The Haaretz, December 14, 2017 https://www.haaretz.com/opinion/hitlers-hindus-indias-nazi-loving-nationalists-on-the-rise-1.5628532
[12] Open letter by 65 retired officials on a growing climate of religious intolerance http://www.sacw.net/article13307.html ; Should RSS Volunteers be permitted to join Government Services ? http://www.sacw.net/article12852.html
[13] Geeta Sheshu. India 2016-17 : The silencing of journalists, The Hoot, April 30, 2017 http://asu.thehoot.org/free-speech/media-freedom/india-2016-17-the-silencing-of-journalists-10070
[14] Swati Chaturvedi, I am a Troll : Inside the secret world of the BJP’s digital army, New Delhi 2016 https://www.amazon.in/Am-Troll-Inside-Secret-Digital/dp/9386228092
[15] India : Rights activists and intellectuals under assault - police raids and arrests of Aug 2018- links to reports and statements by concerned citizens & groups http://www.sacw.net/article13876.html
[16] Annie Gowen. The shadowy extremist sect accused of plotting to kill intellectuals in India. The Washington Post, September 7, 2018 https://www.washingtonpost.com/world/asia_pacific/the-shadowy-extremist-sect-accused-of-plotting-to-kill-intellectuals-in-india/2018/09/06/d7f78514-a66a-11e8-ad6f-080770dcddc2_story.html
[17] Simon Denyer and Annie Gowen. Too Many Men, The Washington Post, April 18, 2018 https://www.washingtonpost.com/graphics/2018/world/too-many-men
[18] Prevention of Atrocities) Act. (Why Dalits are wary of a diluted Atrocities Act https://www.livemint.com/Politics/3jlDMQusNVgBOKiBC3f3HK/Why-Dalits-are-wary-of-a-diluted-Atrocities-Act.html