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Au Soudan, une avancée pour la transition vers un gouvernement civil
jeudi 18 juillet 2019, par
Source : https://www.elwatan.com/edition/international/lespoir-renait-au-soudan-18-07-2019
L’armée et les manifestants signent un accord de partage du pouvoir
L’espoir renaît au Soudan
Zine Cherfaoui
18 juillet 2019 à 10 h 00 min
L’accord trouvé prévoit la création d’un « conseil souverain », instance chargée de gérer la transition pendant un peu plus de trois ans. Ce conseil, qui repose sur le principe du partage des pouvoirs, sera composé de cinq militaires et six civils. Il s’agit d’une avancée dans le règlement de la crise soudanaise, même si les négociations ne sont pas encore terminées.
C’est une étape importante vers un gouvernement civil réclamé par les Soudanais depuis près de sept mois. Après des mois de troubles marqués par la destitution du président Omar El Béchir et des assassinats de civils, généraux au pouvoir et meneurs de la contestation réunis autour de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) ont trouvé un terrain d’entente sur le partage du pouvoir. La signature d’une « déclaration politique » a eu lieu hier à Khartoum.
Le n°2 du Conseil militaire, Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemetti, a salué un moment « historique ». Tout n’est cependant pas terminé, puisque pour lancer la transition, les deux parties doivent encore signer le décret constitutionnel d’une soixantaine d’articles, dans lequel il reste plusieurs points litigieux à régler. Le dialogue doit d’ailleurs reprendre demain.
L’annonce ayant évoqué l’existence d’un compromis a quelque peu étonné dans la mesure où de nombreux médias avaient évoqué, mardi soir, des désaccords entre les deux partis.
Le Parti communiste soudanais (PCS) avait même menacé pendant un temps de se retirer des discussions. Pour lui, l’accord tel qu’il avait été présenté était « tout simplement inacceptable » et « il ne répondrait ni aux aspirations du peuple ni aux objectifs de la révolution ». Le PCS avait notamment qualifié d’inadmissibles certaines exigences ajoutées par le régime militaire, dont l’une d’elles demandait « une immunité absolue pour les militaires depuis le 11 avril ».
Les pourparlers entre les deux camps avaient été repoussés à plusieurs reprises au cours de ces derniers jours, butant justement sur cette question de l’immunité des militaires. Autre point de contentieux : le statut des Forces de soutien rapide, la milice du général Hemetti, accusées d’avoir tué des civils. Nombreux sont les acteurs de la société civile qui ont réclamé leur retrait de Khartoum et des autres villes du pays.
Points litigieux
Pour Mohamad Abduma, président de l’Association des avocats du Darfour, repris par plusieurs médias, la justice pour les victimes de violences n’avait également pas été suffisamment abordée.
Outre le sujet de l’immunité des milices et de la justice, reste encore en suspens la question de la création d’un Parlement de transition. Il a donc fallu au Conseil militaire de transition (CMT) et aux représentants des protestataires une nuit entière d’âpres négociations, sous la supervision des médiateurs de l’Union africaine et de l’Ethiopie, pour parvenir à un compromis.
La déclaration politique signée par les deux parties est composée d’une vingtaine d’articles. Elle a nécessité en tout près de deux semaines de tractations et un round final de 14 heures de discussions.
Le texte prévoit la création d’un « conseil souverain », instance chargée de gérer la transition pendant un peu plus de trois ans. Ce conseil, qui repose sur le principe du partage des pouvoirs, sera composé de cinq militaires et six civils, dont cinq qui seront issus de l’ALC. Les militaires présideront cette instance pendant les premiers 21 mois de la transition, les civils prendront ensuite la relève pendant les 18 mois restants. Il est prévu par ailleurs qu’une commission d’enquête se penche sur les crimes commis ces derniers mois. Il s’agira d’une commission indépendante, mais nationale, alors que les civils la voulaient internationale.
Avancée cruciale
Initialement, l’opposition espérait que le conseil souverain ne serait qu’un organe cérémoniel, destiné à rassurer sur la continuité de l’Etat, et que le centre de gravité du pouvoir pendant la transition se situerait du côté des deux autres organes, le gouvernement (dirigé par un Premier ministre) et une vaste assemblée.
Cette architecture à trois niveaux repose sur une distribution permettant d’intégrer différentes forces, tout en établissant des frontières avec les responsables de l’ancien pouvoir – afin d’éviter la confiscation de la transition et de réussir la sortie de la dictature. Cela ne sera donc pas le cas.
Le mouvement de contestation au Soudan avait, rappelle-t-on, débuté le 19 décembre, après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. Le mouvement avait alors pris une tournure politique en réclamant la chute du président Omar El Béchir, destitué et arrêté le 11 avril par l’armée après trois décennies au pouvoir. Les tensions étaient depuis persistantes entre les militaires au pouvoir depuis la chute d’El Béchir et les contestataires.
La répression des manifestants a atteint des sommets le 3 juin, lorsque 136 personnes ont été tuées lors du raid sanglant mené sur le campement de manifestants installé depuis avril devant le siège de l’armée, selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités, elles, parlent de 71 morts. Avec l’accord trouvé hier, les Soudanais peuvent maintenant se mettre à espérer un avenir meilleur. L’espoir est pour eux légitime car ils viennent de faire un grand pas vers la démocratie.