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Palestine : Vous ne pouvez pas libérer la terre sans libérer aussi les femmes » : des milliers de femmes et d’hommes palestiniens manifestent contre les violences faites aux femmes
samedi 5 octobre 2019, par
Vous ne pouvez pas libérer la terre sans libérer aussi les femmes » : des milliers de femmes et d’hommes palestiniens manifestent contre les violences faites aux femmes
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1 10 2019 • 10 h 36 min
Le centre-ville de Ramallah, 26 septembre 2019. Photo : Ahmad Al-Bazz / Activestills.org
Par Ahmad Al-Bazz – 27 septembre 2019
Jeudi [26 septembre], des milliers de femmes et d’hommes palestiniens ont manifesté pour les droits des femmes en douze lieux de Palestine/Israël et de la diaspora, à la suite de cas récents et très médiatisés de violences commises contre des femmes en raison de leur sexe dans la société palestinienne. “
Des manifestations ont notamment eu lieu à Ramallah, Jérusalem, Haïfa, Jaffa, Gaza, Beyrouth et Berlin. Les manifestants, dont la grande majorité étaient des femmes, scandaient des slogans contre les crimes d’“honneur”, le patriarcat, la colonisation Israélienne, et brandissaient des photos de victimes de violences et de femmes incarcérées dans les prisons israéliennes.
Ces actions étaient organisées par une campagne féministe palestinienne appelée “Tal’at” (“sortir à l’extérieur” en arabe) et qui a pour slogan principal : « Vous ne pouvez pas libérer la terre sans libérer aussi les femmes ».
Le centre-ville de Ramallah, 26 septembre 2019. Photo : Ahmad Al-Bazz / Activestills.org
“La notion de liberté n’est pas divisible. Le combat pour les droits des femmes relève des mêmes principes que le combat contre la colonisation israélienne”, a dit à Mondoweiss Lema Nazeeh, l’une des organisatrices à Ramallah. Le but de l’action, affirme-t-elle, est “une patrie débarrassée de toutes les formes d’oppression”.
Toutes les actions se sont déroulées pacifiquement du début à la fin, sauf à Jérusalem où une manifestation s’est heurtée à des forces armées israéliennes à la Porte de Damas, une des grandes entrées de la vieille ville, où des troupes israéliennes sont toujours présentes. Des policiers ont réprimé la manifestation et ont essayé de faire tomber un drapeau palestinien arboré par les manifestantes.
Ville de Jaffa, 26 septembre 2019. Sur la pancarte à gauche, on peut lire : “Révolution contre le patriarcat et la colonisation” Photo : Keren Manor/ Activestills.org
Anas Hamdallah, un des hommes qui manifestaient à Ramallah, s’est adressé à Mondoweiss en ces termes : “Les membres de la société palestinienne doivent se réconcilier afin d’accroître leur puissance en vue de l’étape de libération du système colonial”.
De l’autre côté de la ligne verte, des manifestations ont eu lieu au cœur de certaines villes mixtes notamment Jaffa et Haïfa. Dans un communiqué de presse, les organisatrices ont fait connaître leurs positions politiques à l’égard des militantes féministes israéliennes en affirmant qu’elles refusaient que leur lutte soit “utilisée pour légitimer la violence du colonisateur”. Les organisatrices refusaient également de “nouer une interaction ou un dialogue avec des plates-formes ou entités israéliennes quelles qu’elles soient”, y compris les grands médias israéliens.
Jaffa, 26 septembre 2019. Photo : Keren Manor/ Activestills.org
Une des organisatrices de Jaffa a dit à Mondoweiss que la campagne, commencée à Haïfa, projetait d’atteindre les communautés palestiniennes dans tout le pays. Selon elle, deux manifestations se sont déroulées le même jour à Beyrouth et à Berlin.
“Nous nous sommes rassemblées pour surmonter les contraintes de la séparation et de l’isolement géographiques que nous impose le colonialisme de peuplement sous ses multiples formes”, a déclaré Maya Zebdawi, manifestante et réfugiée palestinienne à Beyrouth.
Selon elle, la participation de réfugié·e·s palestinien·ne·s à Beyrouth montre à quel point il est important de “reconstruire la conscience collective palestinienne malgré la fragmentation géographique”.
Ville d’Haïfa, 26 septembre 2019. Photo : Maria Zreik/ Activestills.org
La vague de manifestations fait suite à la mort d’Israa Ghrayeb, soupçonnée d’être due à un « crime d’honneur ». Le meurtre aurait été commis par des hommes de sa famille dans un village proche de Bethléem, au mois d’août. Selon certaines sources, Israa Ghrayeb, 21 ans, aurait été tuée après avoir posté sur les médias sociaux une vidéo où on la voyait en compagnie de l’homme qui devait devenir son fiancé. L’affaire a été très présente dans l’opinion publique palestinienne depuis un mois. Le Centre des femmes palestiniennes pour l’aide juridique (Palestinian Women’s Center for Legal Aid and Counselling, CLAC) a répertorié en 2018 au moins 23 cas de mort de femmes dues à des violences en lien avec le genre au sein de la société palestinienne.
Ahmad Al-Bazz, né en 1993, journaliste, photographe et réalisateur de films documentaires, plusieurs fois primé, vit en Cisjordanie, à Naplouse. Ahmad a obtenu à l’université d’East Anglia (Royaume-Uni) un master en études de la télévision, et il a eu un diplôme en médias et communications de masse à l’université nationale d’An-Najah, en Palestine. Depuis 2012, Ahmad fait partie du collectif de photographie documentaire Activestills, actif dans la région de Palestine/Israël.
Traduction : SM pour Agence Média Palestine
Source : Mondoweiss
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Des militantes veulent une nouvelle loi sur la violence contre les femmes palestiniennes
19 09 2019 • 21 h 14 min
Jaclynn Ashly
13 septembre 2019
Des manifestations ont récemment eu lieu en Cisjordanie et à Gaza pour réclamer des actions contre le meurtre de femmes (Mahmoud Ajjour APA images)
La mort d’Israa Gharib a mis en lumière que la législation s’appliquant en Cisjordanie occupée est inadéquate pour gérer la violence contre les femmes, disent des groupes de défense.
Selon le code pénal jordanien de 1960 qui s’applique dans le territoire, le meurtre d’une femme dans certaines circonstances est traité comme un crime moindre que le meurtre d’un homme.
L’année dernière, l’Autorité palestinienne a abrogé une disposition qui permettait aux violeurs d’épouser leurs victimes pour échapper aux poursuites. Une autre réforme judiciaire empêche maintenant les juges de réduire les peines des personnes condamnées pour des meurtres de femmes ou d’enfants.
Randa Siniora du Centre d’aide judiciaire et de conseil pour les femmes à Ramallah croit que ces changements ne sont pas suffisants. Les crimes commis avant l’introduction de ces changements ne sont pas couverts.
Siniora milite pour que le code pénal de 1960 tout entier soit mis au rebus. « Même si vous amendez la loi, c’est toujours une loi obsolète », a-t-elle déclaré à The Electronic Intifada.
Le Centre d’aide judiciaire et de conseil pour les femmes veut une législation globale pour les crimes liés au genre. En plus de gérer les violences contre les femmes et les filles par des membres de leur propre famille, la législation sanctionnerait le harcèlement sexuel et le comportement offensant sur internet.
Avoir « le système juridique adéquat en place pour protéger les femmes », est vital, a dit Siniora, pour que les femmes soient encouragées à « signaler les abus ».
L’organisation de Siniora a été établie en 1991 et est subventionnée par l’Union européenne, ainsi que par quelques gouvernements européens individuellement et par des organismes internationaux pour le développement.
Agée de 21 ans, Israa Gharib, une esthéticienne de Beit Sahour, près de la cité cisjordanienne de Bethléem, est morte le mois dernier. Trois membres de sa famille ont été inculpés cette semaine pour l’avoir battue à mort.
« Appels à l’aide »
Gharib est morte après être sortie de l’hôpital, où elle avait été apparemment admise pour une blessure à la colonne vertébrale.
Quelques semaines plus tôt, Gharib avait posté sur internet des images d’elle sortant avec un homme. On pense que certains membres de sa famille ont désapprouvé qu’elle le fasse. Il a été dit aussi que l’homme lui avait proposé de l’épouser.
Alors qu’elle était à l’hôpital, Gharib a posté d’autres messages sur Instagram. Un d’eux affirmait : « Je suis forte et j’ai de la volonté, et si je n’avais pas cette volonté, je serais déjà morte hier ».
Siniora a dit que les messages étaient de « discrets appels à l’aide » et impliquaient clairement que Gharib avait subi certaines formes de violence. Les messages ont été largement partagés depuis sa mort.
Le Centre d’aide judiciaire et de conseil pour les femmes a enregistré en 2018 24 cas en Cisjordanie et à Gaza de femmes tuées, s’étant suicidées ou ayant été indiquées par les autorités comme « mortes pour des raisons inconnues ».
Toutes ces morts pourraient être le résultat d’une violence liée au genre, selon Siniora.
Alors que l’Autorité palestinienne a depuis longtemps indiqué qu’elle souhaite prendre en compte la violence contre les femmes, les progrès ont été lents.
Une loi de protection de la famille —destiné à fournir des moyens de recours aux femmes qui ont subi des abus — a été en discussion au sein de l’Autorité palestinienne depuis de nombreuses années. Pourtant elle n’est toujours pas entrée en vigueur.
Puisque le Conseil législatif palestinien n’a pas fonctionné depuis plus d’une décennie, les nouvelles lois sont promulguées par décret du dirigeant de l’Autorité Mahmoud Abbas.
« Il est important de se rendre compte que le féminicide [le meurtre des femmes] est la dernière étape des abus », a dit Siniora. Un système juridique — soutenu par des ressources suffisantes — est nécessaire pour que les victimes d’abus puissent recevoir de l’aide avant qu’il ne soit trop tard.
La mort d’Israa Gharib a conduit à de nombreuses manifestations à Bethléem, Ramallah et Gaza. Certains manifestants ont tenu des pancartes portant les noms d’autres femmes qui ont été tuées.
Yasmeen Mjalli, une Américaine palestinienne qui a fondé la ligne de vêtements BabyFist, a joué un rôle important dans les manifestations. Elle a souligné l’importance de « mettre en lumière le fait que le patriarcat est un phénomène global et non un phénomène arabe ».
Mjalli a fait un lien entre les manifestations et la manière dont le mouvement Me Too a provoqué une plus grande prise de conscience, internationalement, à propos des abus contre les femmes.
« Pas question d’attribuer le militantisme palestinien à Me Too, mais le fait est que le mouvement a créé des vagues dans le monde entier et qu’on voit une de ces vagues ici en Palestine », a déclaré Mjalli.
« Combattre pour nos droits propres »
Khalida Jarrar, une représentante élue au Front populaire pour la libération de la Palestine, a argué que s’attaquer à la violence liée au genre ne devrait pas être séparé du combat des femmes palestiniennes contre l’oppression par Israël.
« Les femmes palestiniennes subissent aussi une violence additionnelle de l’intérieur de la société palestinienne », a déclaré Jarrar à The Electronic Intifada. « C’est un aspect central du mouvement des femmes en Palestine. Quand nous combattons contre l’occupation, nous avons besoin de combattre aussi pour nos droits propres et pour des protections dans notre propre société ».
« Israa ne sera pas la dernière femme à être tuée si nous ne changeons pas immédiatement la loi [palestinienne] », a-t-elle ajouté.
Dareen Tatour, une poétesse et citoyenne palestinienne d’Israël, essaie de susciter une prise de conscience sur la violence contre les femmes.
« Le terrorisme des parents est plus sévère que la terreur de l’occupation », a écrit Tatour dans un récent post sur Facebook, répondant à la mort de Gharib. « Avant la libération de l’occupation israélienne, nous devons nous libérer de l’occupation de nous-mêmes ».
Tatour a été emprisonnée par Israël à propos d’un poème de 2015, intitulé « Résiste, mon peuple, résiste-leur ».
Avoir avoir été relâché l’an dernier d’une prison israélienne, Tatour a rendu publique son expérience d’être confrontée à des abus sexuels de la part d’un parent. Les abus ont commencé quand elle avait 7 ans et ont continué pendant des années.
Elle a exprimé sa peur d’être tuée pour avoir parlé en public de ces abus.
« Je pourrais être assassinée à tout moment mais je ne peux plus longtemps garder le silence », a-t-elle dit l’an dernier. « Je veux encourager d’autres femmes à parler. J’assume ma responsabilité, je parle et je sais que je serai en danger ».
Jaclynn Ashly est une journaliste basée en Cisjordanie.
Source : The Electronic Intifada
Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine